Thierry Doreau, votre entreprise va fêter ses 30 ans cette année. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours ?

Je suis né à Bourg-Charente où mes parents étaient ouvriers agricoles. J'ai suivi une formation de menuisier-ébéniste, puis après le service militaire, j'ai trouvé une place dans une tonnellerie à Ségonzac. J'ai vraiment eu une révélation pour ce métier et au bout de trois ans, j'ai souhaité prendre mon indépendance.

Nous sommes donc tout proche de votre village natal puisque l'entreprise se situe à proximité de Bourg-Charente ?

En effet, l'entreprise actuelle se trouve à Gensac-la-Pallue, commune limitrophe de Bourg-Charente. Mais au tout début de l'aventure en 1989, j'ai commencé à exercer dans ma grange à Garancille, un petit village de Ségonzac.

À l'époque, je travaillais « à façon » pour différentes entreprises et pour mes voisins, producteurs de cognac. Puis j'ai commencé à embaucher du personnel. Au bout de dix ans, nous étions une dizaine de personnes et commencions à nous trouver à l'étroit. C'est ainsi que nous avons déménagé à Gensac-la-Pallue en 1999.

Et depuis, comment l'entreprise s'est-elle développée ?

Lorsque nous sommes arrivés ici, il y a vingt ans, nous produisions 2500 fûts par an. En 2008, nous sommes passés à 8000 fûts et aujourd'hui, la production annuelle s'élève à 21 000 fûts.

Nous avons acheté une première merranderie en 2007 puis une seconde en 2012. Cela nous permet aujourd'hui de couvrir 60% de nos besoins en merrains.

NDLR : Le merrain est de la matière première principale pour la fabrication des fûts en bois. Il s'agit de bois de chêne fendu en planches que l'on transforme ensuite en douelles de tonneaux.

En 2010, nous avons repris la tonnellerie Vernou et en 2014, la tonnellerie des fins bois à Sigogne avec la mise en place de Doreau l'Atelier pour la réparation des fûts.

Aujourd'hui, l'entreprise emploie cent vingt personnes avec trois sites de production de tonneaux : Cognac, Gensac-la-Pallue et Sigogne.

On parle de tonneau, de barrique, de fût... Quelle est la différence entre ces termes ?

Les appellations diffèrent en fonction des régions. À Cognac, on parle de « fût », pour une contenance de 350 à 400 litres tandis que le « tonneau » correspond chez nous à la cuve tronconique dont la contenance s'exprime en hectolitres. On parle aussi de « foudre » pour un fût de très grande capacité dont la forme est ronde.

À Bordeaux, on ne parle pas de « fût », mais plutôt de « barrique » tandis qu'en Bourgogne, on emploie le terme de « pièce ».

Combien de temps nécessite la fabrication d'un fût ?

De l'entrée du bois en atelier à la sortie du fût, il faut compter entre deux et trois heures de fabrication. Le merrain sèche à l'air libre pendant trois ans avant de rejoindre la chaine de production.

Quelles sont les étapes nécessaires à la fabrication d'un fût ?

La première étape demeure l'usinage pour transformer le merrain en douelle et la mettre en forme. La douelle présente une ligne concave, plus large au centre qu'aux extrémités. Une fois que les douelles sont rabotées, on procède au jointage, ce qui consiste à biseauter les douelles pour assurer une bonne étanchéité.

L'étape suivante est l'appareillage où l'on sélectionne les douelles qui composeront le fût avec une alternance de douelles larges et fines. Ensuite vient la mise en rose, c'est-à-dire le montage. Cette étape consiste à assembler les douelles autour d'un cercle métallique.

Une fois la rose formée, on procède à la chauffe. Un préchauffage est nécessaire pour emmener le fût à bonne température avant le cintrage. Placé sur un brasero, on chauffe le fût tout en l'aspergeant d'eau pour l'assouplir et le mettre en forme. On le serre avec des cercles de gabarits pour comprimer le bois.

Une fois cintré, on procède à une chauffe de finition : le bousinage. C'est une étape importante, car c'est ce qui permettra de jouer sur les arômes qu'apportera le fût au vin ou à l'eau-de-vie. Puis les cercles de chauffes sont retirés et remplacés par des cercles galvanisés.

Après la chauffe vient le rognage qui va permettre de recevoir le fond à l'extrémité de la barrique. On place des feuilles de jonc entre les planches du fond pour assurer l'étanchéité.

Enfin, on procède au test d'étanchéité, aux finitions de ponçage puis au marquage des fûts. La dernière étape demeure l'emballage puis l'expédition.

À qui sont destinés vos fûts de bois de chêne ?

La production de fûts est destinée à 70 % pour le cognac et à 30% pour le vin. Ceux destinés aux spiritueux restent dans la région d'appellation du cognac tandis que pour le vin, nous exportons beaucoup aux États-Unis, mais aussi en Espagne et en Australie.