Jean-Louis Barraud, vous êtes viticulteur en Charente-Maritime. Depuis quand exercez-vous cette activité ?

Depuis 1982. Après le service militaire, je suis revenu sur l'exploitation familiale. Je me suis installé en 1987, après avoir appris le métier auprès de mon père.

Il s'agit donc d'une tradition familiale ?

Oui, dans la famille, nous sommes viticulteurs de père en fils. Ma famille paternelle est originaire de Fontaines-d'Ozillac près de Jonzac où elle avait déjà des vignes. L'une de mes ancêtres avait même obtenu une médaille de bronze à l'exposition universelle de 1900 pour son vin de bouche.

Mon grand-père est quant à lui venu s'installer à Senouche pour y installer son exploitation. Ce lieu-dit était alors réputé pour la qualité du vignoble. Et, pour l'anecdote, l'almanach de 1904 mentionnait déjà : « les vins de Chaniers sur la butte de Senouche sont réputés pour leur qualité ».

Quelle est la superficie de votre exploitation agricole ? Faut-il beaucoup de personnel pour entretenir un vignoble ?

Aujourd'hui, je dispose de 85 hectares de surface agricole utile, dont 21,5 hectares de vignes. Mes vignes sont situées sur deux exploitations, l'une à Chaniers et l'autre à côté de Pons. J'ai également une petite production de céréales à Colombiers.

Pour la culture de la vigne, je m'entoure de personnel saisonnier ce qui représente l'équivalent d'un travail de deux personnes à l'année.

Qu'est-ce qui vous demande le plus de travail, la vigne ou l'agriculture céréalière ?

Sans aucun doute, la vigne qui est ma production principale. La vigne demande beaucoup de travail manuel, car un grand nombre d'interventions ne sont pas encore mécanisées.

Comment travaillez-vous au quotidien ? Quels sont les principaux travaux pour un viticulteur selon la période de l'année ?

Le travail de la vigne commence juste après la vendange de l'année précédente avec la taille. C'est elle qui va définir le potentiel de vendange que l'on voudra faire produire à la vigne. Cette opération est très technique, cela demande un savoir-faire très spécifique. La taille est une opération vraiment déterminante pour le rendement de la vigne. Elle s'effectue de début décembre à fin mars.

Une fois que le tailleur a fait son travail, on vient retirer les bois de l'année précédente dans les rangs de vignes. Tout au long de l'hiver, on révise le palissage pour pouvoir faire la deuxième opération qui est elle aussi très déterminante : l'attachage. Cela consiste à installer les bois qui vont produire les raisins pour l'année suivante en les enroulant sur le fil de la vigne. Ensuite, on attend la pousse du raisin.

Dès les premiers moments du débourrement, lorsque le bourgeon éclate, la vigne est très fragile. Il ne faut pas que la température descende en dessous de 0°C . Entre le 15 avril et le 1er mai, la vigne se met à pousser. Il est alors nécessaire de surveiller toutes les éventuelles maladies.

De mai à mi-juillet, vient le palissage qui consiste à contenir la vigne entre des fils pour que tous les raisins soient à la même hauteur. L'enjeu est de contraindre la vigne pour quelle pousse suffisamment, mais pas trop, sinon il n'y aurait plus de raisin l'année suivante. Le travail consiste à rogner la vigne, sans quoi elle pousserait sous forme de grandes lianes et produirait trop de raisin.

La dernière étape de la production demeure la vendange. La récolte du raisin a lieu entre septembre et octobre. On peut généralement estimer la date de la vendange à 120 jours après le débourrement.

Quel est le parasite le plus redouté du viticulteur charentais ?

Il s’agit essentiellement du mildiou, un champignon qui détruit le feuillage. On utilise la bouillie bordelaise, un mélange de cuivre et de chaux pour protéger la vigne de cette maladie. Il est très important d’intervenir en préventif, car il n’y a aucun moyen d’arrêter le développement de ce champignon. 

En vin de pays, quels sont les cépages que vous travaillez ?

Le Merlot pour le vin rouge et le vin rosé, puis le Sauvignon pour le vin blanc. Cette année, la coopérative Océalia a obtenu, au Concours général agricole, une médaille de bronze pour le vin de pays charentais rouge et une médaille d’argent pour le vin de pays charentais blanc .

Pouvez-vous nous expliquer la différence entre un vigneron et un viticulteur ? S'agit-il du même métier ?

Le vigneron assume toutes les étapes de la culture à la vente. Le viticulteur lui, ne s'occupe que de la production du raisin. C'est ensuite la coopérative qui détermine avec lui la date de la vendange, puis qui assure la vinification, la mise en bouteille et la commercialisation du vin.

Quelles sont les qualités nécessaires pour être viticulteur ? Quelle est votre vision du métier de viticulteur pour les générations futures ?

Il faut être passionné avant tout. Le métier demande aujourd'hui des capacités à savoir gérer une entreprise et du personnel. Il y a beaucoup de gestion administrative à assurer à côté de l'activité de production.

Pour les générations futures, l'IGP des Charentes représente une belle opportunité, mais le portage du foncier devient difficilement accessible à un jeune qui voudrait devenir propriétaire.

Vous êtes également président de la société Unicognac. Unicognac, est la filiale du groupe coopératif Océalia qui commercialise plusieurs marques de vin, pineau et cognac dont la marque Jules Gautret. En quoi consiste votre deuxième activité ?

Je suis investi dans la coopérative depuis 1989 et actuellement en charge d'animer la filiale viticole. Dans cette filiale, il y a maintenant trois caves de vinification : Archiac, Siecq et Saint-Sulpice-de-Royan.

Grâce à la coopérative, les viticulteurs sont déchargés d'une grande partie des tâches administratives pour se concentrer sur la qualité de leur production. Les caves Jules Gautret sont les points de vente directe des adhérents d'Unicognac.

Si vous étiez un cépage, lequel seriez-vous ?

L'ugni-blanc. C'est un cépage qui domine même si j'affectionne beaucoup la production de vin de bouche. Nous sommes toutefois très dépendants de l'ugni-blanc pour la production du cognac.

Quel est votre vin de bouche préféré ?

J'adore le vin des « vieilles réserves », mais j'ai aussi beaucoup de plaisir à partager avec mes proches le rosé Icône des Caves Jules Gautret. C'est un produit festif et estival que l'on est fier de présenter en tant que viticulteur. Il s'agit d'un assemblage cabernet et merlot avec un travail particulier pour obtenir ce vin très fruité.